You don't dismiss me and I don't dismiss you. There is a problem. [A. and H.]

- Que fais-tu là, Gab' ? demanda Haley en continuant à classer ses dossiers.

L'archange ne s'arrêta pas sur le peu d'attention que lui accordait la brune et lui annonça d'une voix blanche :

- L'ange Père veut te voir.

Haley lâcha le dossier qu'elle tenait entre ses mains et se retourna si vite vers son interlocuteur que ses os craquèrent. Elle chercha à deviner ce que pouvait lui vouloir le saint patron mais ne parvint pas à le deviner dans les yeux de son messager ; l'ange Gabriel.

La dernière fois qu'elle avait vu le Roi des Anges, cela c'était très bien passé. En effet, il l'avait promu ; elle devait maintenant lutter contre les forces du mal et la brune ne pouvait dire que cela ne lui plaisait pas. Avoir le pouvoir de vaincre un à un les porteurs du Mal était une sorte de juissance pour Haley. De plus, elle s'était révélée plutôt douée et sa réputation à travers les cieux et les sous-sol n'avait pas tarder à se faire. Certaines créatures maléfiques commençaient à la redouter, sa perspicacité et ses techniques très particulières les faisant fuir. De toute ses forces, Haley priait pour que son Père ne lui retire pas sa place. Après tout, ses méthodes pour parvenir à ses fins n'étaient pas tout ce qu'il y avait d'angélique...

- Bien, j'y vais, finit-elle pas répondre avant de se dématérialiser.

Il suffisait de se dématérialiser en pensant au saint patron pour le rejoindre où qu'il soit. Celui-ci bougeait tellement qu'il aurait été impossible de le retrouver en cas d'urgence.
Haley eut la surprise d'arriver dans une ville inconnue où la tempête rageait. Elle devina rapidement la raison de la présence de l'ange ici. Le vent était violent et le ciel terrifiant. Des immeubles s'effondraient et les sirènes d'ambulance résonnaient en boucle. Un véritable chao. La brune finit par sentir l'aura angélique du Père et avança où ses sens la guidaient. Au détour d'une avenue, elle le reconnut enfin. Il aidait une petite fille à sortir des décombres d'un immeuble. Aussitôt, la brune apporta son aide et une fois qu'ils eurent délivrés l'enfant, elle demanda :

- Vous vouliez me voir ?

Il la regarda, les yeux un peu ailleurs. Le saint patron avait quelque chose de si sage, de si bon qu'il était impossible de ne pas deviner sa nature en le voyant. Les humains même ne pouvaient douter. Il dégageait une telle présence angélique, un tel aura. Il imposait le respect et aucune pensée négative ne semblait pouvoir exister face à lui. Aujourd'hui cependant, il semblait moins apaisé que d'habitude ce qui était sûrement due à cette tempête meurtrière.
Après quelques secondes de silence, il lui répondit :

- Le monde n'est pas sain. Les créatures maléfiques ont le champs livre face aux humains et il est de notre devoir de les sauver des vices du Mal. Sais-tu que cette tempête n'est pas due au hasard du temps ? C'est le résultat de l'union de démons et d'elfes. Satan a envoyé son bras-droit convaincre certains elfes noirs de s'allier à eux pour contrôler les éléments. Il a réussit. Si ces alliances perpétuent, nous devrons contre-attaquer et je crains que la violence que nous renions finisse par devenir la seule issue. Nous nous devons de nous préparer et je vais m'occuper de ça... Cependant j'aurais moi aussi besoin d'un bras-droit qui puisse tenter d'aller prendre le mal à sa source. Et je t'ai choisi, Haley. Tu es différente, tellement différente que tu es la seule à pouvoir changer la tendance. Mon unique crainte est que Xan entrouvre en toi les démons de ton passé. Tu devras lutter contre différents maux mais je sais que tu y arriveras...

Haley se taisait, trop occupée à assimiler les paroles de son chef. Les anges s'étaient donc décidés à voir plus grand. Ils voulaient faire plus qu'aider des individus. Ils souhaitaient ne faire régner que le Bien sur Terre. Et Haley quant à elle devait « prendre le Mal à sa source ». L'ange avait bien des difficultés à comprendre ce qu'elle devrait faire. La source était sûrement Xan puisque Satan était pour le moment intouchable. Se devrait-elle de le détruire ? Si oui, ce ne serait pas facile d'après ce qu'elle avait entendu. La réflexion devait être profondément gravé sur son visage puisque le chef reprit :

- Tu dois nous éviter la guerre. Si tu parvins à éliminer Xan, Satan nous deviendra plus accessible. Les démons seront ébranlés et nous marquerons notre supériorité.

Haley hocha la tête, tout était clair à présent. En plus de ses missions, elle devrait donc détruire le plus redoutable des démons si on ne comptait pas Satan. L'ange était cependant bien décidée à parvenir à ses fins, les pertes seraient trop grandes si une guerre éclatait. Il fallait qu'elle parvienne à son but. Si elle y arrivait, elle sauverait des milliers de vie. Cela serait un tel soulagement pour sa conscience.

- En ce qui concerne le fait que tu deviennes mon bras-droit, ce ne sont pas que de simples mots. Les seconds reçoivent des pouvoirs plus puissants et une force magique les allies à leur chef. Il faut que nous nous serrions la main.

Il lui tendit le bras et avec ardeur, Haley l'empoigna. Un tension électrique sembla la parcourir quelques secondes puis s'incruster quelque part en elle. L'ange se sentit soudainement plus puissante et devina que c'était réellement le cas d'après ce que venait de lui dire son dirigeant. En quelques minutes, elle était devenue la seconde des anges et l'espoir de ne pas vivre de guerre. Un peu déroutée, Haley se mit à suivre son chef qui s'était remis à marcher dans les rues détruites.

- Que fais-tu Haley ? Il est en ce moment à San Fransisco, dans le parc de Buena Vista plus précisément, l'informa le saint patron

Il se dématérialisa alors, laissant la brune seule. Elle mit quelques secondes à réagir et à se préparer psychologiquement à faire face à Xan. Une fois décidé, elle se dématérialisa à son tour et arriva dans le parc.

A sa grand surprise, elle ne sentit pas la puanteur du démon. Une telle force maléfique devrait la rebuter à dix kilomètres. C'était d'ailleurs ainsi que les anges signalaient la présence de démons à des endroits précis de la ville. Peut-être avait-il quitté le parc ? La jeune femme erra tout de même pendant de longues minutes dans le sombre square. Il semblait désert et ce n'était pas étonnant. La nuit lui donnait un air sinistre. Les rares lampadaires qui éclairaient les allées créaient des ombres terrifiantes et le vent qui sifflait à travers les feuilles rendait le lieu austère.

Haley entendit alors des bruits de pas derrière elle. L'ange se retourna et se prit quelque chose de plein fouet. Plus précisément une chose grande et dure à l'allure humaine. Le choc fut si soudain qu'elle vacilla, trébucha et atterrit sur le sol. Sans s'occuper de son fessier douloureux, elle se redressa d'un bond félin, prête à attaquer. Ce qui était idiot quand on savait que l'humain n'avait pas du tout l'odeur d'un démon. Il n'y avait donc pas vraiment de danger. Quoi qu'à cette heure-ci, il pouvait très bien s'agir d'un psychopathe. Dans lequel cas, il regretterait bien de l'avoir choisi comme victime.

L'ange finit par relever les yeux vers l'armoire à glace. Il était grand, il la dépassait bien d'une tête. Il était beau. Une beauté qui ne pouvait être humaine. Elle était trop fascinante, attrayante...attirante. Ses traits étaient trop fins, trop bien dessinés. Ses yeux étaient trop sombres, trop mystérieux. Son allure trop douce, trop rassurante. Le problème étant que son interlocuteur ne possédait aucune odeur. Enfin, elle sentait un mélange envoûtant de saveurs sûrement dues à un parfum mais Haley cherchait une odeur magique. Chaque créature fantastique possédait sa propre fragrance et le garçon n'en avait aucune. Même pas celle humaine. La jeune femme retint son étonnement ; serait-ce une nouvelle race inconnue ? Etrange...
Dans une dernière tentative pour trouver la vérité, l'ange se rapprocha de l'homme. L'odeur envoûtante se fit plus présente mais toujours aucune senteur magique. Un peu déroutée, elle se recula sans même se demander si son mouvement n'avait pas intrigué le jeune homme.

- Excusez-moi, je n'ai pas regarder derrière, dit-elle d'une voix presque inaudible en se rendant compte de l'idiotie qu'elle venait de sortir

Seulement l'odeur était totalement enivrante et lui faisait perdre l'esprit. Haley se demanda si c'était cette fragrance qui définissait la nouvelle créature. En tout cas, la jeune femme espérait qu'il n'y en avait pas beaucoup car elles pourraient mettre le monde à leurs pieds avec une odeur pareil.

Dans un immeuble gigantesque, des tas de personnes grouillaient d'un peu partout. Les grandes personnalités friquées savouraient leurs cocktails au milieu d'autres clients, bien souvent accompagnés de leurs enfants qui faisaient des plongeons trop bruyants et trop éclaboussant dans la très grande piscine de l'hôtel. Les suites étaient toutes occupées, les couloirs noirs de monde, le personnel n'en finissait plus de courir dans tous les sens. A l'accueil, une matrone à lunettes prenait les appels qui se faisaient très nombreux. Même à cette heure déjà bien avancée de l'après-midi, le Golden Bay Bridge n'avait pas une seule minute de repos.

Au troisième étage, dans une très somptueuse suite, Alexander s'apprêtait à quitter les lieux. Il devait rendre sa clé à 17h. Il n'était que 16h54. Se réjouissant d'avance du désastre non-négligeable qu'un oubli de portable causerait à la préposée de l'accueil, il se mit à sourire. Elle ne serait pas prévenue que sa fille rentrerait deux heures plus tôt de son voyage scolaire et serait laissée sur le trottoir après être sortie du car alors qu'un pédophile
passerait justement par-là. Quelle drôle de chose, le destin. La pauvre enfant ne serait probablement plus jamais retrouvée bien que des tas d'affiches auraient étés disposées partout dans la ville et ses environs.

Il quitta sa suite, ne se soucia pas de refermer la porte derrière lui et emprunta les escaliers puisqu'il savait que l'ascenseur resterait calé dans précisément trois secondes. Une fois arrivé au rez-de-chaussée, il déposa la clé de ses appartements à la mère de la future défunte. Elle lui sourit chaleureusement, sans doute même un peu trop pour que ce soit innocent. Son charme n'avait pas fini de faire des ravages, c'était on ne peut plus le cas de le dire. D'une voix pleine de gentillesse, la prénommée Cathy lui demanda :

- Avez-vous passé un bon séjour parmi nous, monsieur Rice?

Il n'était resté que pour une nuit, dans l'unique but de causer suffisamment de dégâts pour que sa satisfaction personnelle soit plutôt comblée. Partout où il allait, le mal allait aussi. Cette force le suivait, c'était comme si il pouvait la mener où bon lui semblait. Le meilleure était certainement qu'il pouvait tout prévoir grâce à son pointilliste exceptionnel et son imparable sens logique combiné avec son don pour les mathématiques complexes. Le temps n'avait plus aucun secret pour lui. Il en était maître, l'ajustait et le manipulait à sa guise, provoquait le destin.

C'était bien plus qu'un simple pouvoir, une force extraterrestre inimaginable. Son autre avantage était qu'il ne possédait pas de fragrance type, il ne pouvait être identifié comme démon de par son odeur puisqu'il était protégé par le lien qui l'unissait au Président. Être son bras droit lui avait donné cet atout fort utile. Il regarda posément la jeune femme avant de lui répondre avec un certain sarcasme :

- Sans doute meilleur que la plupart des autres clients.

Cette phrase n'avait pas été dite sans fondement. Elle possédait un sens réel ignoré des autres, pour l'instant. Pourtant, Cathy se mit à rire comme une idiote écervelée. N'y faisant pas attention, Xan passa sa route et quitta
l'hôtel qui s'effondrerait bientôt. Sur le trottoir, il rencontra une vieille dame qui ne se doutait probablement pas qu'elle crèverait d'une crise cardiaque le lendemain matin à dix heures précises. La peine qu'elle infligera à sa famille sera grande et difficile à oublier pour ses trois petits-enfants. Avec un peu de chance, il pleuvra le jour de ses obsèques, et ce temps pourri ne ferait qu'aggraver la tristesse de ses proches, car il est bien connu que la météo influe sur le moral.

Non loin de lui, un homme avait hélé un taxi qui venait de se garer à peine à un mètre devant lui. Xan s'avança à son aise pour lui piquer sa voiture. L'autre était occupé à essayer de trouver un système pour transporter toutes ses valises d'un seul coup. N'ayant pas emporter de bagages, le problème ne se posait pas pour le démon. Il embarqua dans le taxi, ferma la porte et indiqua la direction à prendre au chauffeur. Ignorant les plaintes de l'homme trop lent qui rageait envers sa conduite malpolie, il décompta les secondes qui séparaient les clients du motel de leur mort. Quand le chauffeur eut tourné à l'angle de la 4ième rue, un profond séisme se fit sentir. Dommage qu'ils étaient déjà trop éloignés pour assister au spectacle.

Lorsqu'il fut arrivé à destination, il ne versa pas le moindre le centimes au conducteur et quitta le véhicule. Il marcha jusqu'à une étroite ruelle où il disparut dans un craquement sonore. Voyageant en fines particules à travers l'espace, il était réapparu même pas une seconde plus tard dans son bureau situé hors des limites terrestres. Un repère sombre, sans aucune fenêtre, d'ambiance funeste, un pur bonheur pour le pire des démons. Dommage qu'il n'y restait jamais longtemps, il était trop souvent sur Terre, c'était là qu'il se devait d'être pour exercer sa profession ; répandre le mal. Non pas qu'il n'aime pas s'infiltrer dans la communauté des humains, il adorait les narguer de la sorte. Seulement, parfois il aurait aimé pouvoir profiter des Enfers pour faire comme tous les autres démons ; accroître leurs pouvoirs, leur notoriété et la crainte qui entourait leur nom.

Un mot posé maladroitement sur son bureau de chêne attira son attention. Il le saisit le le l'éleva jusqu'à ses yeux.

« Xan, le Président souhaite te parler. C'est important. Remue tes cornes et file dès que tu auras lu ce message, tu sais qu'il déteste attendre.

Storm. »

Tout excité à l'idée de cet entretien avec leur patron, Xan brûla le bout de papier d'un plissement de paupières. Ensuite, il quitta son antre et déambula à toute vitesse à travers les trop nombreux corridors de la Résidence Suprême. Il croisa un de ces comparses, ne le saluant pas, il passa son chemin. Cet imbécile ne faisait que l'épier lors de chacune de ses missions, guettant qu'il commette une infime erreur pour aller le répéter au Président. Son poste était très convoité, mais de tous, Xan était le meilleur. Il était donc logique que ce soit à lui que l'emploi ait été confié. Il en était honoré, d'ailleurs.

Face à la porte, il sonna deux fois. Le voyant devint rouge et il sut qu'il pouvait entrer. Une fois à l'intérieur, il s'avança à la hauteur de Satan qui lui indiqua une place libre autour de la légendaire table de leur confrérie, juste à sa droite. Le démon prit place et hocha d'un coup sec la tête pour saluer son maître. Il attendit patiemment qu'il prenne la parole, évitant de plonger son regard dans le sien tant l'intensité des maux qu'il reflétait l'éblouissait. Peu de temps plus tard, Satan parla de sa digne voix :

- Xan, toi qui sait au combien Satan est prévoyant, le croirais-tu si il te disait avoir sous-estimer l'ennemi?

Ne faisant aucune réflexion, Xan resta de marbre. La question ne demandait aucune réponse, c'était une manière d'exposer un problème. Le fait que Président avait parlé à la troisième personne signifiait qu'il était tracassé. Ce qui amena le démon à s'interroger plus sérieusement sur la raison de cette inquiétude. La dernière fois où il l'avait entendu discuter en évitant l'utilisation d'un "je" remontait au jour où Dieu lui avait fait subir le terrible coût d'un vaccin contre la peste. Ça avait été si décadent pour lui qu'il avait été incapable de contenir sa rage et s'était soulagé en envoyant son bras droit en Allemagne, où un petit homme moustachu avait des ambitions qui risquaient fort bien de causer énormément de pertes aux humains, la race qu'avait créée le Saint-Patron des anges. Satan reprit :

- Ces bons à rien ont décidé de contre-attaquer il y a à peine une heure. Tu te souviens que nous étions les premiers à avoir eu la brillante idée d'étendre notre champ de guerre sur Terre? Et bien ils s'y sont mis aussi ! C'est un défi, le premier qui parviendra à faire régner sa loi en ce bas-monde vaincra l'autre. Je ne suis pas un perdant, et si Dieu veut jouer dans la cour des grands, il s'y cassera une jambe. Notre marelle à nous n'est pas innocente, pas à pas, nous réussissons les étapes qui nous mèneront bientôt à l'extermination de toute forme de Bien. Je dois absolument être le premier à atteindre le sommet. Comprends-tu?

Xan avait parfaitement saisi l'ampleur de ce combat. Ainsi donc la concurrence s'était lancée dans la course au pouvoir. Il ne voyait cependant pas en quoi cela méritait qu'on s'y arrête. Après tout, eux seuls avaient toujours dominé le monde. Le mal était partout. Il était tellement plus facile de faire la mal que de faire le bien que les hommes, créatures issues de la bonté même du Seigneur, étaient généralement plus mauvais que la plupart des autres communautés. Ils tuaient, haïssaient, méprisaient et torturaient sans pitié. Des lions affamés lâchés dans le Colisée de Rome.

Désireux d'en savoir plus sur ce sujet et ce qu'on attendait de lui, Xan vérifia que Satan n'avait pas l'intention de prendre la parole avant de demander :

- Je comprends parfaitement, Président. Ce qui m'est plus vague est le rôle précis que j'aurai à jouer sur l'échiquier. Qu'attendez-vous exactement de moi?

Satan ne parut pas étonné qu'il s'en informe. Malgré une légère teinte d'agacement présente sur son visage, il inspira bruyamment mais avec calme. Xan avait une petite idée de ce qu'on lui demandait de faire. Mais quelques renseignements supplémentaires pourraient lui être forts utiles. D'autant plus qu'il ne savait pas comment Dieu avait intégrer la terre, de quelle façon s'était-il hissé dans ce combat terrestre. Après trois longues secondes de silence, Président répondit :

- Que tu fasses ton travail, Xan. Fais le aussi bien que d'ordinaire, adonne-toi à faire ce pour quoi tu es né : le Mal. Lutte contre l'intrusion de la concurrence, bats-toi pour ne pas qu'on se laisse surpasser, acharne-toi pour qu'on reste seuls maîtres du jeu. Toi qui es parfaitement capable de nous hisser aisément vers le haut, montre-leur que notre cause est imbattable. Tu mèneras le Mal à son apogée Xan, tu respires pour cette unique raison, ne l'oublie jamais.

Gonflé de fierté, un sourire malsain vit s'immiscer sur son visage trompeur. La beauté de ses traits en frigorifiait plus d'un. Tous étaient subjugués par tant de magnificence, ses collègues les premiers. Ils ironisaient souvent en l'insultant de fugitif qui se serait échappé du repère des anges bienfaiteurs. Il les remballait en les ignorant royalement. Pour une fois, son apparence angélique l'importunait peu : seule comptait sa mission. Il avait été doublement élu par leur chef. D'abord en tant que bras droit, et maintenant en tant que représentant ultime du mal sur terre. Il était aux anges, si on peut dire. Mais un détail le perturbait toujours, il n'eut pas le temps de se renseigner auprès de Satan que ce dernier enchaîna :

- Ton opposé à été envoyée sur terre : une ange du nom de Holly, d'après mes sources. Le bras droit du seigneur, puissante et choisie parmi les plus forts. Tu n'as aucune raison de la craindre, tes pouvoirs sont supérieurs aux siens. Néanmoins, mieux vaut ne pas sous-estimer cette gamine ; qui sait ce que cet idiot a derrière la tête. Tu es malicieux, rusé, ambitieux et tes aptitudes dépassent de loin celles de tes semblables : tu as tous les atouts pour réussir.

Satisfait d'avoir pris connaissance de tous les détails concernant sa mission, Xan lança un bref coup d'oeil en direction de la porte. Comprenant ses intentions, son supérieur hiérarchique hocha la tête et la salua avant que le démon ne rejoigne la sortie de son bureau. Les couloirs étaient déserts, pour changer. Il était rare de retrouver des partisans du diable dans cette partie privée du bâtiment. Xan prit le soin d'avancer jusqu'aux ascenseurs et de descendre à l'étage inférieur avant de disparaître à nouveau dans un bruit sinistre.

Faisant irruption dans le parc Buena Vista de San Francisco, son terrain de jeu. Il remarqua qu'au vu de l'heure tardive, il ne trouverait personne à anéantir ici. Il y demeura tout de même quelques minutes, respirant à pleins poumons l'air frais dont l'atmosphère était rempli. Le feu de l'ambition faisait rage en lui, une furieuse envie de mener à bien sa mission le démangeait. Il savait qu'il y parviendrait, il es était on ne peut plus certain. Comme l'avait dit le Président : il avait tous les atouts pour réussir.

Au bout d'un temps plus ou moins long, une présence se fit sentir loin devant lui. Sa fragrance envahit ses narines pour atteindre ses pensées à une allure fulgurante. L'ivresse de l'étrange sensation d'attraction qu'il ressentait lui brouilla la vue ainsi que la raison pendant quelques secondes. Recouvrant cette dernière de suite après, il constata que le sol tournait incessamment sous ses yeux. Devinant qu'il devait avoir été déboussolé, il attendit que ce phénomène passe. C'était indéniable : le monde ne tournait pas rond.

A peine venait-il de retrouver son état normal qu'il fut percuté de plein fouet par une chevelure brune étincelante. Sous le coup du choc, la jeune femme s'écrasa au sol. Assise sur son derrière, bouche bée, un air stupéfait assez comique sur le visage, elle se releva aussi vite qu'elle était tombée. Postée de manière quasi-féline, elle lui faisait face. Quand il la regarda avec étonnement, elle parut retrouver les esprits et adopta une posture plus décente. Occupée à le dévisager, elle ne sembla pas s'encombrer de politesses inutiles. Tant mieux. Puisqu'elle faisait fît des convenances, il n'avait qu'à en faire de même. A son tour il mémorisa ses fins traits, ses lèvres charnues, ses yeux en amandes si clairs et lumineux,sa taille, ses hanches, jusqu'à ses gambettes élégantes et élancées. Sans oublier son odeur enivrante, celle là même qui l'avait fait perdre la raison.

La belle mit fin à ce moment trop parfait de symbiose en s'approchant de lui. Il ne recula pas, ce n'était pas du tout de son genre. A l'inverse, ce fut elle qui s'éloigna et reprit sa place initiale. Elle le regarda, totalement déroutée et lui lui dit tout bas :

- Excusez-moi, je n'ai pas regarder derrière.

Un instant compréhensif, Xan ne put retenir un sourire sarcastique de percer sur ses lèvres. C'était donc ça la cause de tous ces bouleversements? Une humaine lunatique qui devait sans doute revenir d'une boutique de parfumerie où elle avait testé des tas de senteurs différentes. Cela expliquerait sa fragrance envoûtante. Avec une odeur pareille, aussi surchargée de produits chimiques, elle défiait la couche d'Ozone. Parfait. Au moins, si elle continuait à ce rythme là, elle parviendrait à polluer les cieux suffisamment pour causer divers dégâts.

Jouant de son charme, il lui sourit. Il avait décidé que le jeu en valait la chandelle : quitte à se divertir, autant profiter de cette opportunité. Une nouvelle connaissance était toujours la bienvenue. Qui sait, elle pourrait peut-être un jour lui servir dans sa mission. La fixant intensément des yeux, son faux sourire se fana doucement, délicatement, telle une rose qui perd ses pétales.

- Vous êtes excusée si vous acceptez de me tenir compagnie le temps d'une balade, lança-t-il d'un air séducteur.

C'était sa principale qualité, il avait un talent fou pour se faire bien voir des membres de la gent féminine. Ça lui était utile, de temps à autres. Non pas qu'il se joue de leur simplicité d'esprit, disons juste qu'il savait s'en servir à bon escient.

Un air sarcastique apparut sur le visage de son interlocuteur. Sans savoir pourquoi, cela vexa Haley. Il était évident qu'elle avait dit quelque chose d'idiot mais elle était déçue qu'un homme si envoûtant n'ait pas en plus un caractère plaisant. Un prince charmant ne se serait pas moqué d'elle.

Quand l'ange releva les yeux vers le garçon, celui avait une toute autre expression. Et Haley regretta presque l'ancienne. Il la regardait à présent un sourire charmeur sur les lèvres. Très séduisant, trop séduisant. Heureusement que les anges ne tombaient pas amoureux, elle aurait fondu
immédiatement. Des tas d'humaines devaient se faire avoir et elle-même aurait presque aimé tomber dans ce piège. Honteuse de sa pensée qui ferait hurler les féministes et frémir ses compatriotes, elle s'empressa de repenser à sa mission. C'était beaucoup plus sérieux et moins superficiel. Le problème étant qu'elle ne resta pas longtemps concentrée sur ce sujet, l'homme s'était mit à la fixer avec une telle intensité qu'elle se sentait noyée dans le regard profond du garçon. Le sourire disparut peu à peu du visage de l'inconnu mais son expression restait agréable. De toute façon, Haley était bien trop accaparée par ses yeux pour faire attention à autre chose.

- Vous êtes excusée si vous acceptez de me tenir compagnie le temps d'une balade, lança-t-il d'une voix séductrice

Haley crut qu'elle allait défaillir et s'affaisser sur place. Cette voix, cette tonalité, une vraie mélodie, un véritable enchantement. L'ange n'y croyait pas. Pour quel raison cette créature existerait, pour quelle raison lui aurait-on attribué cette beauté, cette odeur, cette voix enchanteresse ? Quel en avait été le but au départ ? A part jouer des humains, elle n'en voyait aucune. En tout cas, elle ne savait pas si c'était permis à un ange d'être complètement déstabilisée par cette créature. Bien sûr elle pouvait toujours être attirée par certaines personnes mais jamais envoûtée ou ressentir quelque chose qui ressemblerait de près ou de loin à de l'amour. Il n'y avait jamais de réelle passion et pourtant son imagination lui promettait quelque chose de totalement passionné si elle s'embarquait avec le jeune homme. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas ressenti ce sentiment que tout son corps et une partie de ses neurones lui commandaient d'accepter la proposition au risque d'oublier tout le reste. Ce qui n'était pas vraiment le truc à faire quand on était un ange. C'était pour ce détail que sa raison tentait de la faire résister. A son grand malheur (ou bonheur, qu'en savait-elle) sa raison se retrouva bien seule sur le front et céda vite à l'envie générale. Oui, elle allait accepter cette proposition. Immédiatement et en le rejoignant même dans son jeu de séduction.

- Je veux vraiment me faire pardonner alors...

Elle planta son regard dans celui du jeune homme et glissa son bras entre le torse et le bras de sa « peut-être future conquête ».

-...allons y !

Haley lui lança son plus beau sourire et l'entraîna avec douceur dans une marche lente et paisible. C'était étrange ; le parc qui lui avait semblé si sombre et lugubre au premier abord était maintenant devenue une promenade nocturne romantique

Une fois qu'elle eut quitté les yeux de son bel inconnu et malgré que la tiédeur corporel de son interlocuteur autours de son bras lui rappelait qu'elle était accompagnée d'un séduisant garçon, elle repensa à sa mission. Elle déviait un peu de son but. Bien sûr, combattre l'une des plus fortes puissances du Mal ne se ferait pas en un jour mais tout de même, à peine venait-elle de devenir le bras droit du Saint Patron qu'elle s'intéressait à une chose très futile n'ayant aucun rapport avec sa mission. Mais peut-être pas si futile que ça. Si ces soupçons se confirmaient et qu'elle découvrait une nouvelle race, cette soirée ne serait pas du tout inutile pour le Bien. Au contraire ! Alors pourquoi ne pas se laisser aller ?

La mine penseuse, son interlocutrice semblait comme plongée dans de multiples réflexions interminables. Son air hésitant lui confirmait cette hypothèse. Bien qu'il sache d'avance qu'elle accepterait, Alexander ne put s'empêcher d'être impatient qu'elle daigne lui répondre. C'était étrange qu'il soit à ce point là attiré envers cette jeune femme. Ce n'était guère dans ses habitudes de ressentir ce genre d'attirance dérisoire, quand bien même la beauté de l'objet de ses désirs était aussi somptueuse que celle de sa frontale. Que lui arrivait-il pour qu'il pense pareille idiotie? Sans doute était-il encore trop enjoué faute de l'arrivée de la concurrence sur terre. Oui, ça devait être ça ; il était toujours sous le coup de la fierté. Lui, Xan, choisi parmi les meilleurs de leur communauté. Quel immense honneur cela était-il pour lui de pouvoir accroître un peu plus sa notoriété déjà bien étendue.
Suite à cette dernière pensée, un sourire de victoire vint prendre forme sur son fin visage. La petite humaine qui s'était remise à le fixer des yeux ranima son attention pour l'instant présent. Avec sérénité, il attendit qu'elle confirme ce qu'il savait déjà :

- Je veux vraiment me faire pardonner alors...

S'approchant de son torse, elle passa son bras derrière son dos en prenant le soin de le faire de manière séductrice, telle une caresse. Savourant cette preuve de bon sens dont venait de lui faire part son interlocutrice, il sourit d'avoir une nouvelle fois réussit à entraîner une délicieuse humaine dans son jeu.

-...allons y !

D'une légère pression exécutée avec son bras, elle l'invita à progresser ainsi, à une allure douce et légère. S'appliquant mille fois plus que nécessaire à mettre en avant tous ses atouts, Alexander se surprit lui même à rapprocher le corps anormalement froid de sa compagne d'un soir vers le sien, beaucoup trop brûlant au vu du temps extérieur. Il se régalait de la fraîcheur que lui apportait le bras de la belle brune encerclant son dos. Une telle sensation de bien-être ne devrait être possible, c'était d'autant plus insensé lorsqu'on connaissait sa vraie nature. Toutefois, il préféra ne pas se prendre la tête avec ce détail et s'intéressa d'autant plus à celle qu'il promenait.

Conscient de son charme réciproque, il trouva cette rencontre trop parfaite pour être due au hasard. N'était-ce que le fruit de son scepticisme ou un fait concret, il n'en savait rien, une fois n'était pas coutume. Jetant un rapide coup d'oeil vers les cieux, il calcula qu'il ne leur restait plus que deux heures quarante trois avant qu'il ne fasse nuit noire. Il espéra qu'ils auraient eu l'intelligence de programmer un autre rendez-vous avant de mettre fin à cette soirée. Étrangement, il n'arriva pas à le prévoir. Il devait surement être trop fatigué. Tant pis, un peu d'imprévu ne lui serait pas néfaste, il n'en blâmerait pas le destin, il était trop joueur pour ça.

Il avait passé, sans s'en rendre compte, son bras autour des épaules de la jeune femme. Ignorant depuis combien de temps il avait adopté cette position, il fut satisfait de constater que cela ne semblait pas la déranger le moins du monde. Ainsi donc cette petite avant des tendances provocantes en outre de celles suicidaires dont elle ignorait l'existence, ne sachant pas qu'elle était en charmante compagnie d'un redoutable démon. Certes, il devait plutôt donner l'impression d'un prince envoûtante qu'autre chose, faute de sa bonne humeur temporaire et de son physique trop séducteur. Pour cette fois, cela l'importait peu, il était bien trop ravi de partager ce moment avec cette fort envieuse demoiselle pour pester contre son apparence.

Jugeant que ce silence apaisant avait assez duré, Alexander prit sa voix la plus mielleuse avant de s'adresser à elle :

- J'avoue qu'au vu de votre délicieux petit minois, il y a quelque chose qui m'échappe : qu'est-ce qu'une si délicate jeune femme comme vous fait toute seule à cette heure mystérieuse du crépuscule?

L'intérêt était réel, on ne pouvait en douter aux accents interrogatifs qui avaient percés dans sa voix. Elle était si maigre et si frêle qu'on aurait crû une poupée de verre échappée d'une étagère, lâchée dans ce monde cruel où il était clair qu'elle n'avait pas sa place. Le démon pourrait la briser d'un geste trop brusque, il en était conscient. Que fichait-elle ici, elle qui était beaucoup trop divine pour n'être qu'une simple humaine? Car oui, maintenant, il commençait à croire qu'il s'était trompé sur sa nature, elle n'était probablement pas humaine. Mais alors, qui était-elle?

Son compagnon de route sembla ravie du choix d'Haley et la suivit sans discuter. Elle menait la marche, se demandant dans quoi elle s'embarquait. Cela ne pourrait pas être négatif mais ce n'était pas souvent qu'elle cédait aussi vite à ses envies.

Comme s'il avait senti son léger malaise, le garçon la rapprocha de lui. Bien sûr, il n'avait pas réellement compris les doutes de la brune mais elle apprécia ce contact rassurant de la part de sa « Folie nocturne ». Soudainement réchauffée par le corps brûlant de son partenaire, elle se demanda ce qui pouvait créer chez le garçon une telle température corporelle. Il ne faisait pas très froid mais la chaleur n'était pas au rendez-vous en cette fin de soirée. Alors que cette question persistait dans la tête d'Haley, un bras vint lui entourer les épaules. Il était aussi chaud que le reste du corps du garçon et bien que cela poussa un peu plus l'ange dans la réflexion, le geste protecteur de l'homme lui fit bien vite oublier ses interrogations

Contente qu'il lui renvoie à son tour un message d'affection, elle accéléra légèrement le pas. Maintenant qu'elle s'était décidée à profiter du garçon, elle aurait été franchement déçue que celui-ci ne soit pas d'accord. Mais il venait de lui prouver qu'il avait en tête la même idée et elle ne doutait pas de cette certitude pour avoir étudié psychologiquement les hommes pendant des dizaines d'années. Pour faire plus simple, il semblait que leur attirance soit réciproque et c'était bien tout ce qui comptait aux yeux d'Haley en cette douce soirée. Alors que le silence semblait roi, son compagnon le coupa :

- J'avoue qu'au vu de votre délicieux petit minois, il y a quelque chose qui m'échappe : qu'est-ce qu'une si délicate jeune femme comme vous fait toute seule à cette heure mystérieuse du crépuscule ?

L'ange se délecta de la voix mélodieuse de l'homme pendant quelques secondes avant de réellement se concentrer sur les dires du garçon. Une fois qu'elle eut assimilée ses paroles et malgré que celles-ci regorgent de compliments bien tournés, elle s'aperçut que quelque chose la dérangeait. La brune chercha pendant de longues secondes ce qui la tracassait mais elle eut beau se repasser les paroles du garçon en boucle, elle ne trouvait toujours pas ce qui la dérangeait. Énervée de ne pouvoir donner réponse à son interrogation, elle manqua de s'écarter de son interlocuteur pour pouvoir se concentrer plus sereinement. Il était vrai que l'odeur envoûtante du garçon ne l'aidait en rien à réfléchir. Alors qu'elle était pratiquement résolue à ne pas trouver ce qui la tourmentait, la réponse lui vint comme une évidence. Il avait dit « déclicieux petit minois », ce qui était très élogieux dans un sens mais si elle le regardait autrement, cela avait un côté effrayant. On pouvait y trouver un sous-entendu douteux sur le fait qu'il mangerait son visage. Cela lui avait tout de suite fait penser aux démons, cette idée de « bouffer » ses victimes, de les trouver attrayantes étaient tout à fait singulier à ces créatures maléfiques. Sauf qu'ils ne mangeait pas réellement leurs victimes, ce n'était pas des cannibales. C'est ainsi que Haley se rendit compte de son idiotie. Elle était tellement obsédée par les démons qu'elle les voyait partout ; même dans les compliments d'un super garçon. C'était totalement flippant ! Il allait falloir qu'elle se soigne de sa soif vengeresse. Les anges ne devaient d'ailleurs pas connaître le mot vengeance, ni grande attirance d'ailleurs pour en revenir à son partenaire. Pourtant, elle était plus qu'attirée par l'homme ; le Saint Patron avait eut raison de dire qu'elle était différente parce qu'elle doutait de plus en plus sur ses qualités angéliques.

Se rendant compte qu'elle s'était murée dans un silence, l'ange s'empressa de répondre à son interlocuteur. Maintenant qu'elle avait fini sa psychose et qu'elle était plus sûre d'elle que jamais de vouloir passer la soirée avec le garçon, la brune répondit de sa voix enchanteresse :

- J'ai fini le travail très tard ce soir, je n'aime pas ça mais peut-être vais-je vouloir recommencer si je tombe toujours sur des hommes tels que vous.

C'était la vérité absolue. Enfin si on passait le « j'aime pas travailler tard » puisqu'elle s'en fichait étant habituée à faire du 24/24 ! Décidant de passer sur ce sujet, une évidence la frappa alors. Elle ne connaissait toujours pas le nom du délicieux garçon qui l'accompagnait. Haley manqua de se mettre à rire tout seule en voyant l'adjectif dont elle venait de qualifier le jeune homme. Et elle qui s'inquiétait de cet emploi chez son interlocuteur ; elle-même l'utilisait ! Amusée mais certes pas plus informée sur la patronyme du jeune homme, elle demanda alors :

- Pourriez-vous m'aider à mettre un nom sur votre visage ?

Elle avait hésité à employer des adjectifs flatteurs mais s'était retenue, trouvant ça un peu bizarre de la part d'une femme. Haley appuya ses paroles en portant son regard sur le garçon qu'elle considéra longuement avant de s'attarder sur ces yeux. Elle planta alors son regard limpide dans celui du jeune homme, affichant un air plus déterminée que jamais.

Ils continuèrent leur traversée, cette fois-ci en silence. Respectant ce moment de sérénité, Alexander ne dit rien, bien que pas très patient, pour y mettre fin. Sa question avait pourtant été simple, non? Visiblement, elle demandait beaucoup de réflexion à la belle brune. Il posa le regard sur sa chevelure étincelante qui surplombait son beau visage, ne le décolla plus, obnubilé par la beauté remarquable de la jeune femme. Si fine, si naturelle, elle n'avait pas besoin de plus pour être attirante. A tout les coups elle n'était pas célibataire. Avec une telle splendeur, impossible qu'il en soit autrement. Alors comment expliquer qu'elle ne se détache pas de son étreinte? Qu'elle marche dans son jeu à du deux cent à l'heure? Mystère. Oui, cette soirée était vraiment agréable et… étrange. Il était si rare de faire de telles rencontres dans cet endroit, d'habitude empiété par des gamins guillerets ou couples trop amoureux qui ignoraient que le bonheur avait une fin. Tomber sur cette charmante victime n'avait fait que remonter son moral déjà plus haut que la moyenne.

- J'ai fini le travail très tard ce soir, je n'aime pas ça mais peut-être vais-je vouloir recommencer si je tombe toujours sur des hommes tels que vous.

Enfin, ce silence avait été brisé. Satan soit loué, il n'était pas sûr de pouvoir se taire sinon. Voilà qui était révélateur. La présence du démon a ses côtés ne lui était donc pas indifférente, du moins, moins encore qu'il ne le pensait. Se savoir apprécié ne le réjouissait guère en temps normal, mais là, c'était une autre histoire. Il avait de suite compris que le courant passerait bien entre eux, il n'était donc pas vraiment surpris de la voir s'ouvrir si facilement à lui. Dans exactement trois secondes elle lui demanderait son nom. C'était plus fort que lui, jamais il ne pouvait se retenir de tout prévoir à l'avance. C'était une manie chez lui, en quelque sorte. Il savait déjà ce qu'il allait lui répondre, et comment il allait le faire. Lui qui craignait être trop à cran que pour manipuler le destin, il sourit à l'idée de se savoir plus résistant qu'il ne le croyait.

Pour les démons, la fatigue faisait partie intégrante de leur inconvénients. Il leur arrivait, quand ils avaient passé plusieurs jours sans dormir, de se sentir obligé d'aller se coucher. Et une fois dans livrés au néant, il était ardu de les en faire sortir. Profondément endormis, ils peinaient à se réveiller de bonne heure. Il lui était déjà arrivé de se lever vers seize heures tant il avait passé une semaine difficile. Certes, c'était rare, mais c'était bien là. De même avec la nourriture, Xan pouvait engloutir des quantités extravagantes d'aliments à lui tout seul. Mangeant presque par automatisme, il ne se rendait parfois même pas compte qu'il avait pratiquement vidé son réfrigérateur. Pour cette raison, il préférait ne pas avoir de propre chez-lui, c'était tellement plus facile de profiter des ressources d'un hôtel ou restaurant bon marché ! Quand on avait les moyens, on pouvait tout faire…

- Pourriez-vous m'aider à mettre un nom sur votre visage ?

Comme prévu, elle lui avait demandé son nom. Comme prévu, il avait su anticiper ses paroles. Comme prévu il rapprocha ses lèvres de ses cheveux, savourant au passage l'arôme fruité qu'ils dégageaient, avant de descendre jusqu'à son oreille. D'une voix trop sensuelle, il dit dans un murmure :

- Appelez-moi Alexander Rice, si toutefois mon nom vous importe plus que ma personne. Même question?

Il l'avait sentie se raidir dans ses bras. Ne sachant pas si cette réaction était due à son comportement libertin ou à l'évocation de son nom, il attendit, au pire, qu'elle se détache de son lui, qu'elle lâche son torse et peut-être même, lui colle une gifle. Mais rien de tout cela ne vint. Elle resta là, collée à lui, comme si il lui était impossible de se détacher de son étreinte. Ne bougeant pas d'un pouce, elle continuait de le suivre là où bon lui semblait. Rassuré, bien qu'un peu déboussolé, il attendait, histoire de ne pas trop changer, qu'elle daigne lui répondre. Il lui tardait d'en apprendre plus sur sa future conquête du soir.

Alors qu'elle venait de lui demander son nom et qu'elle attendait patiemment sa réponse, espérant seulement qu'il ne sortirait pas « Jean Merde » ou « Médart Pourpy », il y eut comme un souffle dans ses cheveux. S'apercevant que son interlocuteur avait dangereusement rapproché ses lèvres de son visage elle manqua de s'arrêter. Le seul fait de savoir sa bouche si près de sa peau l'empêchait de raisonner correctement. Il la perturbait bien trop ; les anges n'étaient normalement jamais déconcentrés à ce point par une personne du sexe opposé. Bien que cette réflexion fut censée, elle disparut très vite alors que le souffle du garçon faisait face à son oreille. Frissonnant à ce « contact », elle l'entendit murmurer de la voix la plus sensuelle qu'elle n'ait jamais connu :

- Appelez-moi Alexander Rice, si toutefois mon nom vous importe plus que ma personne. Même question ?

Haley s'était raidie inconsciemment. Il la mettait dans un état désagréable si l'on pensait au fait qu'elle ne réfléchissait même plus à ses actes. Mais dans un sens il était plutôt bien de se noyer dans une ivresse sans nom. Il la rendait soul, on pouvait le dire. Rien ne semblait la déranger et aucune de ses pensées n'allait à autre chose que lui. Bien décidée à ne pas se réveiller avant d'avoir conclut avec ce charmant Alexander, elle resta collée à lui et continua la balade à ses côtés.

- Haley Cartwright, susurra t-elle pour ne pas briser l'intimité dans laquelle ils s'étaient installés.

L'ange n'avait même pas songé à changer de nom. A quoi bon essayer, elle était tellement dans son monde qu'elle n'aurait pas eut le temps d'en inventer un correct. Ce fut sans doute cette folie qui lui fit reprendre la parole pour lui raconter qu'elle détestait être soûle. Allusion légère à sa sensation d'étourdissement dans laquelle il la mettait. Heureusement celui-ci ne comprendrait sûrement pas. La jeune femme fut plus qu'étonnée quand celui-ci se mit à répondre, débattant sur le sujet. Peu attentive au fond des paroles mais plus réceptive au ton de la voix, Haley le rejoint dans la discussion. Elle dériva bien vite sur d'autres sujets plus ou moins intéressants mais dont les propos d'Alexander passionnaient toujours la jeune femme. Haley ne s'attendait pas à tomber sur quelqu'un ayant autant de conversation et dont certains avis ressemblaient étrangement aux siens. L'ange se devait d'admettre qu'il l'intéressait bien plus que ce qu'elle avait prévu. La brune qui pensait à quelque chose de physique, se retrouvait coincée à être passionnée par la vie d'Alexander.

Soudain la vision de Haley devient blanche et un bourdonnement se fit entendre. La voix du garçon devient lointaine et la jeune femme crut tout d'abord être prise d'un malaise. Puis des paroles hachés se firent entendre : « Démon recherché dans un périmètre de 0 à 3 mètres ». Haley ouvrit la bouche de stupeur tandis que tout redevint normal. Le parc sombre fut de nouveau là et Alexander débattait toujours à ses côtés sur le meilleur resto de la ville. Tout d'abord rassurée qu'il n'ait rien vu de son absence passagère, elle se retint d'horreur en comprenant ce que les informations données voulaient dire. Non c'était impossible que le démon soit Alexander. Celui-ci devait sûrement se cacher dans les fourrés. Mais alors pourquoi ne sentait-elle pas d'odeur suspecte, d'ailleurs son interlocuteur ne sentait lui non plus pas le démon. Bien au contraire... Comprenant qu'elle se perdait à nouveau dans les charmes ravageurs d'Alexander, Haley secoua la tête. L'information était sûrement fausse. Oui, sauf que les anges se trompaient rarement et que la seule personne à proximité était le fameux garçon avec qui elle discutait passionnément depuis de longues minutes. Et puis il était trop beau pour être humain et avait une chaleur corporelle digne de celle régnant en Enfer. La conclusion fut comme une douche froide pour Haley. L'homme attirant avec qui elle avait déjà imaginé des choses pas très catholiques et qui en plus se révélait passionnant dans ses discussions, l'homme qui lui ressemblait sur tellement de points, qui riait aux stupidités qu'elle sortait, qui avait des avis sur des choses tellement... humaines était un démon ! Déçue, déstabilisée et horrifiée, voilà plusieurs secondes qu'Haley était censée répondre à Alexander.

- Tu n'es pas d'accord ? répéta celui-ci, attendant que la réponse de l'ange vienne.

- Euh...je...et bien..., commença Haley en balbutiant avant de se reprendre, il est vrai que le Brazen est plutôt sympa mais je préfère le chinois du coin de Height Street.

C'était maintenant ridicule de parler restauration quand on savait que son interlocuteur était un démon qui était né pour faire le mal et détruire les anges. Peut-être même qu'Alexander savait déjà qui elle était et depuis le début l'embobinait pour mieux l'attraper. Sauf qu'il ne savait pas qu'elle était maintenant au courant et qu'elle comptait bien profiter de cette avantage. En colère à l'idée qu'il joue avec elle depuis le début, elle se mit directement en œuvre de l'éliminer. Les anges existaient pour protéger le monde et par procuration détruire les démons. Elle se devait d'utiliser ce moment, elle devait le faire. Prenant une grande respiration, elle prépara une boule de lumière dans sa main qui était depuis bientôt une heure posée sur les hanches du garçon. Elle n'avait qu'à l'enfoncer pour affaiblir le démon qu'elle n'aurait plus aucun mal à éliminer par la suite. Pourtant son bras ne semblait pas vouloir bouger tandis qu'un sourire aux lèvres, Alexander lui expliquait pourquoi il aimait tant le Brazen. Bientôt plongée dans le récit du garçon, obsédée par ses lèvres, éblouie par son visage parfait, elle sembla oublier son devoir. Secouant la tête, elle eut un regard vers le dos du garçon où la lumière luisait discrètement. Haley regarda avec regret sa main puis releva la tête vers sa conquête qui ne le serait finalement jamais. Elle eut un air désolé avant de faire avancer sa main avec une lenteur non désirée. Une force invisible la retenait et c'était un combat acharné qui lui permettait de se rapprocher un peu plus des côtes du jeune homme.

Sa demoiselle d'un soir semblait ne pas se remettre de son geste, peut-être trop osé de sa part. Elle ne bougea plus pendant un long moment. Respirant lentement, laissant son regard vagabonder devant elle, la brunette semblait incapable de lever ne serait-ce qu'un sourcil. A la fois satisfait mais inquiet de l'effet provoqué, Alexander se recula de quelques centimètres, espérant ainsi qu'elle retrouve l'usage de la parole, et surtout que ses idées soient plus claires. Ça sembla fonctionner, elle retrouva un pouls normal et ils purent continuer la balade. Bien que le silence ne dérangeait pas le démon, il mourrait d'impatience de savoir comment s'appelait-elle. Exaspéré et ne pouvant plus se retenir, il usa de ses capacités pour savoir si oui ou non elle allait lui répondre. Il fut ravi de l'entendre justement prononcer de sa voix enchanteresse :

- Haley Cartwright, susurra t-elle pour ne pas briser l'intimité dans laquelle ils s'étaient installés.

Charmant prénom, peut-être un peu trop mielleux pour ses oreilles de démons, mais certes, très joli. Il se surprit à trouver cette jeune femme de plus en plus attirante. De son physique jusqu'à ses mots, et même son appellation, tout lui plaisait plus que nécessaire. Il était néanmoins stupide de croire que ce soit du concret, un être comme lui ne pouvait pas aimer. Non, ça, c'était certain. Il ne pouvait ni aimer, ni s'attacher, ni ressentir quoique ce soit d'autres d'ailleurs. Depuis quelques minutes pourtant, il sentait une sorte de boule qui lui serrait la gorge, l'empêchant de parler quand Haley se taisait, le forçant à respecter sa solennité. Il ne pouvait s'empêcher de lui lancer des petits coups d'oeil furtifs pour vérifier qu'elle était toujours bien collée à lui. Contact qui, bizarrement, le charmait plutôt que l'inverse.

Lorsqu'elle lui avoua détester se prendre une cuite, il ne sut pas vraiment quoi répondre. Ne comprenant même pas pourquoi elle avait lâché ça, Xan se demanda si ce n'était pas lui qui la mettait dans cet état. Se rendant compte de cette pensée beaucoup trop égoïste et improbable, il la chassa de son crâne. Ayant peur qu'elle soit gênée d'avoir entamé un sujet qui n'obtenait jusque là aucune réponse, il relança le débat. Visiblement enjouée qu'il ne la prenne pas pour une folle, Haley poursuivit et guida ainsi le démon dans les méandres d'une conversation inutile mais plaisante. Bien vite il se retrouva face à une fatalité qui commençait doucement à se former dans son esprit, il ne restait pas avec elle parce qu'il n'avait rien d'autre à faire, mais parce qu'elle le laissait pantois. La vie de la brune s'avérait très intéressante, en tout cas, plus passionnante que celle d'autres humaines sans intérêt.

Ils papotèrent des heures et des heures, à n'en plus finir, se délectant chacun de la voix de l'autre -car il était pour lui inconcevable qu'il soit le seul à ressentir pareille émotion- dérivant même sur des sujets impensables. Ils venaient d'entamer un long discours sur les bars les mieux cotés de la ville, étant parfaitement en symbiose avec l'avis de l'autre. Pourtant, depuis maintenant quelques minutes, Alexander avait la très dérangeante impression de faire la conversation tout seul. Rageant de ce manque d'attention qui avait soudainement remplacé leurs vifs échanges de tout à l'heure, le démon se tut, attendant que la réponse de sa camarade vienne. Mais elle se fit trop attendre, ce qui fit énerver un peu plus Alexander. Il tenta de sa calmer, n'oubliant pas qu'il avait pour but premier de passer une bonne et agréable soirée. Son tourment s'apaisa et il préféra relancer sa requête :

- Tu n'es pas d'accord ? répéta-t-il.

- Euh...je...et bien..., commença Haley en balbutiant avant de se reprendre, il est vrai que le Brazen est plutôt sympa mais je préfère le chinois du coin de Height Street.

Soulagé qu'elle ait enfin répondu, il lui expliqua tout ce qui faisait qu'il adorait le Brazen. En zappant sur certains détails comme la barman ou encore, cette fille qu'il surnommait Blondie et qu'il ne pouvait s'empêcher de taquiner pour s'en prendre plein la figure par la suite. Mais il sentait Haley distante, ignorant pour quelle raison elle avait si soudainement changé de comportement à son égard. Il était pourtant certain de s'être montré agréable et facile à vivre, alors comment expliquer cette réaction quasi désintéressée? De plus, il avait perçu son hésitation et son inconfort, il savait que quelque chose avait changé, qu'un lien avait été rompu entre leur deux…Satan, que lui arrivait-il pour penser une chose pareille? Il devait être devenu barge. Oui, c'était sans doute ça. La nouvelle de sa promotion et cette rencontre avait suffit à le rendre masochiste. Et puis là, il comprit. En la sentant se resserrer contre lui, en détectant cette odeur nuisible d'énergie qui émanait de derrière son dos, tous ses projets pour cette soirée furent réduits à néant. L'évidence le fissura. C'était trop beau pour être vrai, il aurait été déplacé que cette charmante personne puisse simplement rester une charmante personne. Non, il fallait qu'elle devienne une ennemie. Une fichue ange avec qui il venait de flirter pendant un peu plus de deux heures. C'était ridicule, tellement pathétique que ça le répugnait. Dégouté de lui même, il lança un regard qui se voulait haineux vers la brune qui était encore collée à lui, alors qu'elle savait, il en était certain, qui il était réellement. Mais il ne put la détester, c'était trop tard, le bien était fait, il l'avait pensé trop fort. Cette fille était différente, c'était ce qu'il avait d'abord déduit, mais là, il comprenait sacrément mieux pourquoi. Ce qu'il ne saisissait pas, c'était comment il avait pu s'entendre allant même jusqu'à idolâtrer un ange? Mystère qu'il mit vite de côté pour réagir face à l'attaque que s'apprêtait de lui faire affronter Haley.

Malicieux, il avait en tête la façon dont elle le regardait, dont elle buvait chacune de ses paroles et sa manière provocatrice de se coller à lui. Si il avait eu le temps de l'apprécier, il ne doutait pas une seule seconde qu'il n'avait pas été le seul à tomber dans le panneau. Un sourire mutin aux lèvres, il usa de son bras qui encerclait la taille de l'ange pour la tenir immobile contre lui. De sa main libre il alla retenir celle de la brune dont il sentait des ondes néfastes s'élever en sa direction. D'un geste qui se voulait sensuel, il attrapa sa main et la serra dans la sienne, étouffant par la même occasion, le feu énergique qu'elle avait créé pour le détruire. Interloquée, elle tourna la tête vers lui, un air indéchiffrable. Lâchant sa main, il se tourna d'un quart de tour pour se retrouver face à elle, son bras gauche entourant toujours sa taille. Il s'approcha dangereusement de son beau visage, leurs nez se touchaient presque quand il la poussa contre un arbre qui faisait bien de se trouver juste derrière la brune. Coincée, Haley ne semblait pourtant pas le moins du monde effrayée. Elle paraissait même confiante, comme si leurs échanges précédents lui avaient démontrés qu'il ne lui ferait jamais de mal.

- La partie est terminée, petite ange. Il est temps d'annoncer le vainqueur. susurra-t-il encore une fois.

Savourant chaque parcelle de son visage qui se décomposait, le démon laissa échapper un léger rictus. Plongeant dans le bleu envoûtant de ses yeux, il perdit pied. Face à lui et ses envies meurtrières, elle ressemblait à un pauvre petit papillon égaré en plein centre ville. Il eut beau vouloir de tout son corps la tuer, rêver même de son corps mort étendu au sol, il n'arrivait pas à se décider à lui asséner le coup final. Emprisonné par ce sentiment contre lequel il avait toujours lutté, qu'il n'avait jamais connu et qu'il se devait de ne jamais connaître, Alexander Rice, pour la première fois de toute son éternité, ne voulait pas accomplir ce pour quoi il était né. Il refusait de lui faire du mal, et ça allait certainement lui coûter la vie. Mais à quoi bon vivre si c'est sans avoir, ne serait-ce qu'une seule fois, goûté au plaisir du symbole même de la décadence pour tout démon? Qu'il était bon de savoir qu'il mourrait par la main d'une étrangère en qui il n'avait pas voulu voir quelqu'un d'autre que ce petit papillon tentateur…

Haley suppliait à son bras de s'avancer, de percer les côtés d'Alexander et de le réduire ainsi en miettes. C'était tellement faible de se montrer réticente à éliminer un démon qui avait sûrement fait des centaines de victimes depuis sa naissance. Pourtant il semblait bien qu'une partie d'elle-même ne soit pas décidé à la détruire.
C'est alors qu'elle sentit l'étreinte d'Alexander se resserrer. A tel point qu'elle ne pouvait plus bouger. Étonnée par tant d'ardeur, elle jeta un coup d'œil à son démon qui l'observait d'un air mutin. Rassurée de ne pas voir un visage mauvais, elle se laissa faire même si elle n'avait pas vraiment le choix.

Soudain, avec une douceur et une sensualité étonnante, une main tiède vint effleurer la sienne avant de l'attraper. Alexander venait de prendre la main, sa main qui allait dans quelques secondes le tuer, étouffant au passage la boule de lumière, l'unique arme d'Haley. Le déroutement qu'elle ressentit au contact de leur deux paumes disparut bien vite, laissant place à une interrogation. Le démon avait-il compris qui elle était ? Déposant son regard sur Alexander, Haley chercha une réponse dans les yeux sombres et mystérieux du garçon. Elle ne trouva rien qui puisse la guider. Le garçon lâcha alors sa main pour venir se placer face à elle, gardant son étreinte au niveau de la hanche de l'ange. Haley leva les yeux et ne put s'empêcher de déposer son regard sur le visage parfaitement dessiné du démon. Admirant ses lèvres, elle les vit dangereusement se rapprocher. Son cœur fit quelques ratés avant d'imposer un rythme bien trop rapide pour qu'Haley puisse se convaincre qu'Alexander ne lui faisait aucun effet. Le visage du garçon s'approchait un peu plus à chaque seconde et la brune se demanda s'il n'allait pas l'embrasser. Rien qu'à cette pensée son cœur s'emballa un peu plus. Son corps ne voulant pas répondre à son cerveau qui lui disait de s'échapper au plus vite, elle ne bougea pas d'un centimètre, attendant avec appréhension ce qu'Alexander ferait d'elle. Elle sentait presque le nez du démon effleurer le sien quand il la poussa en arrière. Peut-être un peu trop durement pour qu'elle puisse encore douter de l'innocence du jeune homme. Elle avait deviné qui il était et lui de même.

Cette pensée ne la terrifiait pas vraiment, au contraire, elle n'aurait pas voulu le tuer facilement, elle souhaitait qu'il se batte. Haley sentit alors une surface dure contre son dos. Irrégulière et froide, elle devina qu'il s'agissait d'un tronc d'arbre. Coincée entre celui-ci et Alexander, elle trouva sa position plus agréable qu'autre chose mais ne se l'avoua pas vraiment. Depuis quand être collée à un démon était quelque chose de plaisant ?
Ses iris bleus retrouvèrent celles, noires, d'Alexander. Elle le défia presque du regard, attendant la suite.

- La partie est terminée, petite ange. Il est temps d'annoncer le vainqueur, susurra t-il alors

L'assurance d'Haley s'envola un peu, sûrement parce que c'était la première fois qu'Alexander révélait son côté démoniaque. Désarçonnée quelques instants par ce changement de comportement ; un léger pincement au cœur la paralysant, elle reprit finalement contenance attendant qu'il fasse un geste, une attaque. Après tout, il était plutôt en position de force. Même beaucoup. Ce fut à ce moment là qu'elle se rendit compte du dramatique de sa situation. Elle était coincée entre un arbre et un démon qui ne tarderait pas à la tuer alors qu'elle-même n'y était pas parvenue. A cause de quoi ? De sentiments stupides et une attirance inexplicable.
Décidée à se décoller du démon, elle pensa un instant à le pousser mais devina qu'il ne bougerait pas d'un pouce même si elle y mettait toute ses forces. Peut-être qu'elle pourrait le faire tomber autrement...En mettant tout son poids sur lui par exemple. Il serait bien obligé de plier. D'un petit saut, elle fit passer ses jambes autours de la taille du garçon. Enfin pas vraiment... Ayant bien du mal à élever ses jambes, celles-ci glissèrent outrageusement sur le bassin du garçon. Les replaçant rapidement, elle s'aperçut trop tard qu'il n'y avait aucun changement et que son poids représentait celui d'une plume pour Alexander. Trouvant la position plutôt ambigüe et n'ayant remarqué aucun effet chez le démon (à part peut-être de l'étonnement et un léger sourire), elle se décida à les faire retourner au sol. Mais Rice ne fut pas de cet avis et il la serra tellement contre l'arbre qu'elle ne put plus faire aucun mouvement. Le bassin complètement paralysé, le corps enflammé par la proximité d'Alexander, Haley se sentit rougir. Ce qui ne manqua pas de faire apparaître un sourire narquois sur les lèvres de son ennemi. Énervée de son propre ridicule et agacée que le démon s'amuse à ses dépends, son poing partit soudainement, venant s'écraser sur le nez du garçon.

L'ange fut étonnée de sa force remarquant la grimace de douleur qu'affichait le démon. De plus du sang commençait à couler, partant de son nez pour venir finir la course sur le torse de l'homme. La longue traînée rougeoyante avait quelque chose de spécial, quelque chose d'attirant. Un sentiment étrange naquit chez Haley. Le désir d'y goûter. Depuis combien de temps n'avait-elle pas bu de ce liquide rouge ? Des années ; depuis la mort de la vampire qu'elle avait été. L'odeur du sang ne l'avait plus jamais attiré, ni fait ressentir le besoin d'y goûter. Pourtant, celui d'Alexander semblait la défier du regard en marquant la peau du garçon d'un rouge éclatant. Était-ce sa proximité avec l'homme ou la curiosité de retrouver le goût de ce qui avait marqué de longues années de sa vie ? Quoi qu'en fut la raison, l'ange approcha doucement sa bouche du cou du garçon. Quand ses lèvres touchèrent enfin la peau d'Alexander, elle ne s'aperçut même pas du frémissement de celui-ci et d'un geste timide lécha le sang. Aussitôt, une sensation de plaisir lui parcourut le corps. Un sentiment de victoire sur l'autre, de domination extrême. Guidée par ses sens et avec une lenteur presque lancinante, elle suivit alors la trace de sang, remontant le cou de son adversaire. Doucement, elle passa la cap de la mâchoire pour ensuite laisser sa langue passer sur le menton du démon.

Au bout de ce qui sembla une éternité de redécouverte, ses lèvres frôlèrent celles d'Alexander. Et ce fut une tout autre sensation qui la submergea. Non loin d'être déplaisante, elle était même beaucoup plus agréable que le goût du sang. C'était une décharge électrique qui sembla emballer son cœur et l'entièreté de son corps. Ses lèvres étaient toujours finement posées sur celle de son partenaire et elle pouvait ainsi sentir le souffle irrégulier du démon. Était-il toujours ainsi ou était-elle celle qui provoquait ce battement catastrophé ? Au plus profond d'elle même, Haley espérait que ce soit la deuxième solution. La jeune femme voulut se mordre la lèvre d'un tel aveu mais ce ne fut pas la sienne qu'elle agrippa. Alexander eut un sursaut quand les dents de la jeune femme tirèrent sa lève inférieur. A cause de ce mouvement incontrôlé les incisives de l'ange déchirèrent la fine peau et le sang se déversa rapidement sur le menton du jeune homme.

Entre temps Haley s'était soudainement reculée, se prenant l'arbre dans la tête. La séparation et le coup semblèrent la réveiller. Sortie de sa « transe » elle réalisa non seulement qu'elle s'était régalée en léchant le sang du démon mais qu'elle avait ressenti trois fois plus de plaisir encore à déposer ses lèvres sur celles d'Alexander. De plus elle avait agrippé sa lèvre et l'avait aussi mordu involontairement. Quand elle y réfléchissait, il lui semblait impossible qu'il s'agisse d'elle, qu'elle ait assez de cran pour faire tout ça. Mon Dieu (si elle pouvait se le permettre), comment allait réagir le Saint-Patron s'il apprenait ce qu'elle venait de faire ! Des tas d'excuses plus ridicules les unes que les autres se mirent à fourmiller dans son esprit dans le vain espoir qu'elle trouverait quelque chose de plausible. Elle finit par relativiser en se convainquant qu'il n'en saurait rien. Et puis peut-être qu'Alexander l'avait pris comme un signe de guerre. Après tout, aucune de ses conquête n'avait du lécher son sang, déposer ses lèvres sur les siennes sans l'embrasser et finir par lui mordre la lèvre inférieure. D'ailleurs en goûtant son sang, le seul plaisir qu'elle avait éprouvé venait de la sensation d'avoir la maîtrise totale sur son adversaire, le liquide rouge en lui-même ne l'avait pas nourri comme il l'aurait fait pendant son époque vampirique. Après, « l'effleurage de lèvres » c'était autre chose, quelque chose de mystérieux, d'incompréhensible ou plutôt quelque chose qu'elle ne souhaitait pas comprendre. Alexander n'en tiendrait peut-être pas compte...

Elle releva la tête, déposant avec anxiété son regard sur le démon pour découvrir ce qu'il en serait d'elle. Peut-être la tuerait-il sur le champ ou alors déciderait-il de se battre avec les mains à son tour ? De tout son cœur, elle souhaitait qu'il soit impassible, qu'aucune expression ne transparaisse sur le visage du démon. Elle ne voulait pas savoir quels sentiments il avait ressenti sans doute par peur que ces derniers soient haineux. Ses yeux bleus dévisagèrent le visage du garçon et là elle sut. Elle sut qu'il n'en resterait pas là, qu'il avait lu en elle comme dans un livre ouvert, qu'il se vengerait d'une façon ou d'une autre de lui avoir retiré son impassibilité. Cependant, la manière dont il le ferait lui restait inconnue, mais elle était convaincue qu'elle le saurait dans les secondes à venir...