Mademoiselle s'immergeait dans son propre regard, elle n'aimait de son visage que ses yeux: ses iris délicats d'un brun doré par le soleil. Le reste n'était qu'un ensemble de couleurs informes, une imperfection qu'elle connaissait par cœur. Ce n'était pas la peine de s'y attarder, c'était bien trop douloureux.
Elle laissait ses paupières se fermer à demi, son visage devenait flou, sa bouche mince écarlate était bien plus agréable à regarder désormais. Elle soupira longuement, son souffle chaud créant une légère brume sur le miroir. Le reflet pleurait, tandis que son maquillage restait impeccablement figé sur le contour de ses yeux.
Mademoiselle, où sont passées vos larmes?Le gout indissociable du vin blanc lui manquait, elle ne supportait plus l'eau et la nourriture lui semblait fade. Tout ce qu'elle portait à ses lèvres lui semblaient d'une tristesse absolue. Son regard subissait lui aussi, cette mélancolie passagère: tout était sombre, où bien trop lumineux, les nuances de couleurs lui échappaient: le rose et le violet d'une aurore, les nuages enflammés sous le soleil couchant... elle ne vivait plus pour voir le jour se lever et la nuit tomber. Seule la lune, pâle et scintillante comme un bijou, la fascinait encore.
Mademoiselle... Enfermée dans sa tour ne pensait plus qu'à elle-même, et à tout ce que son égoïsme lui avait fait perdre. Pour la saveur d'une gorgée de vin, de rhum et d'absinthe. Tout semblait distant et agressif, et en effet, ça l'était,
elle l'était. Mademoiselle s'imprégnait le cœur de ce délicieux poison, afin d'en oublier un autre peut-être? Un cancer nommé Solitude.
Pleurez Mademoiselle, pleurez tant que vous le pouvez. Elle ne pensait pas, n'écoutait pas et ne pouvait pas entendre. Ce monde d'injustice l'avait conduit sur le chemin de l'irréalité, de la confusion libératrice. Quitter un univers pour un autre, mais mon Dieu, à quel prix?
Et ce reflet? Cette immonde parodie de visage, lui grimaçant cette nouvelle réalité, peut-être cent fois pire que la précédente. Qu'il y avait-il de si drôle? Ce masque grotesque dont le fard ne pouvait masquer la laideur se moquait d'elle, lui rappelant chaque jour ce que le poison que son âme réclamait faisait subir a son corps, autrefois si jeune. Si jeune et pourtant si froid...
Son cœur était un mécanisme en panne. Mademoiselle n'aurait pas été étonnée de n'y trouver que poussière et encre noire, assorties à la pierre cette immonde tour. Il n'y avait pas moyen d'introduire des notes de couleurs, elles devenaient grises, comme frappées d'une malédiction. Les rayons du soleil ne parvenaient pas à les raviver. Autour d'elle, il n'y avait que la mort et le froid.
Le silence et le noir...
Souvenez vous Mademoiselle. Souvenez vous, quand vous étiez vivante.